lundi 30 juin 2008

km 23 232 : Utah

Voici un apercu de la route entre Las Vegas et Denver ainsi que des magnifiques parcs nationaux que nous avons traverses : Zion, Bryce Canyon, Canyonland, Arches...



vendredi 27 juin 2008

km 22 838 : Las Vegas

En arrivant a Las Vegas en voiture, c'est a dire depuis le desert qui l'entoure, on ne peut pas mieux ressentir l'extraordinaire artificialite de la ville. Tout y est l'exact oppose du paysage qui l'entoure a part peut-etre la violence et la force de son image. Des images, la ville en diffuse jusqu'a l'ecoeurement. Tout fait signe, attire (voir tape a l'oeil) a coup de neons, d'enseignes et de batiments polymorphes caricaturaux. Bizarrement, de cette orgie d'images et de symboles, on ne retient pas de visage pour ce mirage : la ville ne ressemble a rien. Derriere les façades, l'univers des machines a sous et des tables de jeux se repend de façon uniforme sur les centaines de milliers de m2 d'espaces interieurs climatises dans une penombre statique qui fait oublier le temps. Partout la meme moquette rouge a motifs, les memes sons, les memes personnages solitaires hallucines devant les bananes et les pasteques qui tournent...

mardi 17 juin 2008

Contemporary Jewish Museum

En plein centre de San Francisco, au coeur du art district bordant le Jardin Yerba Buena, le nouveau musee Juif est installe dans l'ancienne halle en brique d'une usine electique. L'histoire du batiment est presentee aux visiteurs sur un panneau dans le hall d'entree du musee : construit en 1881, reconstruit en 1907-09 apres un tremblement de terre, sauve de justesse de la demolition en 1977 avant d'etre rehabiltee en 2007 par Daniel Libeskind pour devenir le Contemporary Jewish Museum. Le nouveau batiment y est presente comme une "juxtaposition entre l'ancien et nouveau" avec une rehabilitation respectueuse de l'usine existante.

En levant les yeux, on ne voit pas plus de juxtaposition que d'approche respectueuse. Le nouveau batiment jaillit depuis l'intérieur de l'ancien et le perce de toute part en projetant ses volumes deformes et instables - typiques de l'architecture de Libeskind - a l'exterieur. Libeskind integre l'ancienne usine dans un jeu architectural complexe sur l'interpenetration des deux structures. A l'exterieur les panneaux d'aluminium bleu petrole des volumes anguleux et instables de Libeskind contrastent avec la stabilite des facades en briques de l'usine. A l'interieur, la structure metallique du batiment existant mise a nu (poteaux et charpente) est coupee nette lorsque qu'elle rencontre les volumes blancs du nouveau batiment. L'effet est d'autant plus impressionnant que la nouvelle structure est recouverte de placoplatre blanc dans lequel viennent s'enfoncer comme dans de la neige les poutrelles de la charpente originale.

Cette irruption architecturale tire bien parti de la position dans le site du batiment existant : il preserve sa façade ordonnancee sur le parvis– non sans avoir ouvert une serie de baies assez ironiques, exactement sous les grandes baies existantes – et il dispose ses volumes distordus lateralement, le long d'une rue pietonne etroite, accentuant par la leur effet dramatique.
Finalement, l'architecture du musee est enrichie de cette confrontation qui pondere l'univers formel particulierement contraignant de Libeskind. Ici du fait des espaces de l'usine partiellement conserves, on trouve une multitude de formes de salles ( y compris des salles rectangulaires) qui offrent plus de latitude aux conservateurs. Les expositions, toujours temporaires, peuvent ainsi jouer et resonner avec les espaces du musee sur les thematiques liees a la culture juive contemporaine de la baie de San Francisco et au dela....
Meme la symbolique cabalistique que Libeskind affectionne et qui parait un peu artificielle dans d'autres situations se prete bien au jeu ici. Ainsi on peut decoder la forme des volumes et du traitement du hall comme des interpretations calligraphiques de mots hebreux....

San Francisco Jewish Museum, Daniel Libeskind, 2008

lundi 16 juin 2008

San Francisco Museum of Art

Le Musee d'Art Moderne de San Francisco est avant tout un objet graphique avec sa facade en brique et sa tour cylindrique tronquee striee de noir et de blanc. Malgre sa petite echelle comparee aux tours du downtown qui l'encerclent, le batiment est visible de tres loin dans le skyline de la ville. Lorsqu'on se rapproche, on s'apercoit du caractere totalement urbain de ce projet a la charniere entre les tours du downtown et le jardin Yerba Buena. Il s'ouvre directement sur la rue, sans le recul souvent prefere par les institutions culturelles americaines.

L'organisation interieure, elle, est d'une grande efficacite: le musee s'organise autour d'un grand atrium central qui se developpe sur toute la hauteur du batiment jusqu'au gigantesque puit de lumiere (caracteristique de Botta) en forme de cylindre troque. Un grand escalier monumental dessert les etages d'expositions tres standards qui se deploient a l'arriere sans relation ni avec la ville ni avec le hall. Il n'y a rien de tres original spatialement hormis peut-etre les choix decoratifs tres annees 80, en particulier le sol du hall qui alterne des lignes de granite noir poli et mat du plus bel effet!

San Francisco Museum of Art, Mario Botta (1995)

dimanche 15 juin 2008

De Young Museum

Dans la partie ouest de San Francisco, la gigantesque bande boisee du Golden Gate Park s'enfonce dans la ville depuis l'ocean pacifique sur 5 km offrant un espace de nature dans la tradition de Olmsted a l'echelle du territoire. C'est au coeur de ce poumon, qui est a San Francisco ce que Central Park est a New York, que le musee De Young est implante. Le site est donc en pleine "nature" Olmsteadienne, love entre une route sinueuse et une grande esplanade sous laquelle se developpe l'inevitable parking. Le musee surgit ainsi d'entre les arbres comme un objet solitaire dans la foret libere de toute contrainte urbaine.

Le batiment incarne de façon spectaculaire l'aboutissement de la recherche de nombreux architectes depuis une dizaine d'annees : la forme plastique et anguleuse qui se developpe de façon libre et continue horizontalement et verticalement, la peau de cuivre qui recouvre l'objet integralement et dont les motifs d'emboutissement et de perforations varient a l'infini en texture et en porosite pour agrementer toutes les contraintes de la façade, la perfection des details et l'integration des elements techniques (luminaires et ventilations), la fluidite des parcours et des espaces.... Le musee est en meme temps un objet finit parfait et un enchainement subtil d'espaces introvertis et entrelaces autour des patios qui s'alternent au gre du decollement des trois travees sinueuses. Les salles d'expositions permanentes se developpent sur deux niveaux alors qu'un des patios plonge derriere la banque d'accueil pour eclairer le sous sol et les salles d'expositions temporaires. Les fluctuations de la forme entrainent une variete d'espaces qui se compressent et se dilatent pour mieux s'adapter aux collections eclectiques qui vont de l'art de la Nouvelle Guinee a la peinture americaine du XIXe siecle jusqu'a l'art contemporain. Le sol et le plafond des salles de l'etage, recouverts du meme parquet de bois sombre, se rejoignent en formant de grandes vitrines toute hauteur qui offrent des vues panoramiques sur les pirogues oceaniennes et les masques africains.

Le gabarit du musee tres horizontal se perd dans la vegetation du parc et rend le batiment presque invisible depuis les alentours si ce n'etait par la tour qui s'eleve, comme d'un mouvement tectonique, d'une des travees sur plus de 40 m de haut offrant un panorama spectaculaire sur la toiture cuivree de l'edifice, sur le parc, sur la topographie caracteristique de la ville et sur l'ocean.

En definitive, malgre la succession de prouesses que le musee collectionne, on en sort certes tres impressionne mais avec un sentiment mitige. L'extreme luxe du batiment semble n'avoir aucune limite tant chaque detail a ete traite avec la meme attention, on ne trouve pas de choix financiers que les architectes sont toujours menes a prendre pour rester dans le budget et qui parfois font naitre des inventions surprenantes. Le batiment a coute plus de 200 M$ soit pres de 7400$ du m2 (presque trois fois le prix au m2 du musee de Zaha Hadid a Cincinnati si les chiffres sont exacts) et le processus de decision qui a dure plus de six ans a laisse aux architectes le temps de maturer le projet. Il en reste un batiment qui pourrait etre parfait mais qui ressemble peut-etre un peu trop a un top model ou l'aneantissement des defauts a rendu le sujet trop lisse.

De Young Museum, Herzog & De Meuron, 2005

lundi 9 juin 2008

Pasadena Museum of California Art

Ce musee fait figure de caricature du musee americain du XXIeme siecle ou l'art n'est plus qu'un pretexte pour creer une salle des fetes attrayante. Le musee n'a plus de vitrine sur la rue hormis la beance de l'acces au parking qui occupe l'integralite du rez-de-chaussee et qui fait office de hall d'entree. A l'etage on trouve 3 salles d'exposition agrementees de leur boutique. Enfin le dernier etage est devolu a une salle de reception a louer avec sa terrasse panoramique. Le jour ou nous avons visite le musee, il y avait deux personnes a l'accueil, deux autres dans la salle d'exposition et dix personnes en train de dresser les tables pour le mariage du soir....

MDA Johnson Favaro 2002

LACMA

Dans son projet pour le Los Angeles County Museum of Art, Piano a tente de realiser une unite impossible entre une collection de batiments heteroclytes et sans rapport les uns avec les autres.

Le long de l'avenue Fairfax, l'architecte insere un 7eme pavillon d'exposition au complexe disparate et le relie aux autres par une promenade couverte associee a un nouveau hall exterieur et a un parking enterre. Cette intervention tente de creer une identite visuelle pour le musee par le rouge de la structure metallique du nouveau batiment ainsi que de la galerie.

A l'interieur de la nouvelle aile dediee a l'art contemporain, on retrouve les habituelles boites blanches, ici sans ouverture sur l'exterieur (hormis au rdc) ainsi qu'un travail sur l'eclairage zenithal tres (ou trop) complexe au dernier niveau : il semble que l'attention apportee aux details ait fait oublier aux concepteurs l'objectif de leur dispositif lumineux qui finalement se filtre lui-meme au lieu de filtrer la lumiere.

On est finalement decu par ce projet dont la seule innovation repose sur le fait de proposer un hall totalement exterieur, ouvert sur la ville qui ne ferme la nuit que par de simples rideaux... Peut-etre aurait-il fallu, comme le proposait le projet abandonne de OMA, demolir ce musee pour le reconstruire entierement (en gardant bien evidemment le pavillon japonais dessine par Bruce Goff et Bart Prince, tel une folie dans le jardin du musee).

Renzo Piano 2006-2008



dimanche 8 juin 2008

The Getty Center

Le Getty Center apparait dans une courbe du freeway, perche comme l'acropole en haut de sa colline boisee. De tres loin, on sent deja le cote colossal de l'institution. L'ensemble de batiments fragmentes par Richard Meier ne parvient pas a faire oublier la taille gigantesque du complexe qui se dresse seul completement deconnecte de la ville. On y arrive en voiture – et en voiture seulement – depuis l'autoroute. L'experience commence a la sortie du parking de 1200 places ou un funiculaire mene toutes les 4 minutes les visiteurs en haut de la colline.

Arrive en haut, on est pris dans le lyrisme de l'architecture qui accumule tous les effets de styles que Meier a pu developper au cours de sa longue pratique. Les pavillons distincts et relies par les multiples passerelles et escaliers de toutes formes se melangent avec le panorama spectaculaire offrant des vues a 360 degres sur la ville, la mer, les collines. La multitude et la richesse des espaces font de la visite du musee une experience spatiale plus interessante que la decouverte de sa collection dont la qualite est loin d'etre a la hauteur de la pretention affichee du musee de compter parmi les grandes institutions mondiales. Du fait de son isolement, le musee offre une grande liberte dans les parcours : les visiteurs passent de l'interieur (dans les salles d'exposition) a l'exterieur (sur des terrasses panoramiques), ils peuvent suivre l'ordre chronologique de l'accrochage ou monter et descendre a leur guise dans chaque pavillon, faire une pause dans le patio central ou dans le jardin...

Mais, on sent en parcourant le site une serie d'incoherences, dues en particulier a des exigences du client contradictoires avec l'architecture de Meier.
Il y a tout d'abord la pierre de parement qui semble etrangere au vocabulaire formel de Meier, dont les Trustees ont rejetes les habituels panneaux en tole emaillee blanche. Certains elements, comme les colonnes au dessus du restaurant, semblent du coup grotesques recouverts de ce travertin beige et rugueux agrafe avec les joints ouverts.
A l'interieur, les boiseries, les moulures, et tout un vocabulaire traditionnel trahit une volonte- surement du client - de donner un cachet classique aux salles, antagoniste avec l'ecriture neo-moderne des atriums dessines par Meier.
Enfin, l'amenagement paysager du site, avec des jardins dessines par l'artiste (non paysagiste) Robert Irwin se marie mal avec l'architecture des batiments. On aurait prefere un traitement plus sobre et naturel, au lieu de quoi Irwin propose un jardin extrement dessine et complique qui multiplie les recoins et les parcours "bucoliques" accompagnes de jeux d'eaux. En realite, cet univers ne parvient qu'a exacerber la dimension baroque du Centre et rend l'ensemble plutot kitch.

Cet arriere (mauvais) gout un peu baroque, on le sent de façon beaucoup plus evidente a la Getty Villa, le site d'origine du musee a Malibu. Il s'agit d'une villa romaine "reconstituee" qui vient d'etre renovee par les architectes Machiado & Silvetti. La, le beton brut flirte avec le marbre de la villa romaine et on devine les contraintes que le client a fait peser sur les architectes des deux sites.

Dans sa dimension spectaculaire aussi bien que dans son univers parfaitement controle, le Getty fait finalement plus penser a Disneyland qu'au musee du Louvre. C'est clairement un espace de loisirs ou on trouve des activites ludiques pour tous les ages sur un "arriere theme" de culture...

Getty Center, Richard Meier (1984-97)
Getty Villa extension, Machiado & Silvetti (2006)

mardi 3 juin 2008

km 18 998 : Los Angeles

Los Angeles est une ville qu'il est tres difficile de se representer lorsqu'on la parcourt pendant quelques jours comme nous le faisons. Aussi bien l'etendue que la forme de la ville, en plus d'etre etrangeres a nos yeux d'europeens, sont resistantes a toute representation. D'abord parce que l'experience de la ville est fragmentaire et coupee, comme une sequence de cinema, par les interludes autoroutiers necessaires pour aller d'un quartier a un autre. Le freeway est un espace d'ou on a rarement une perception de la ville qu'on traverse car on la survole le plus souvent rendant donc difficile l'exercice de relier mentalement les lieux entre eux. Mais en realite, a Los Angeles, les freeways sont des espaces urbains a part entiere qui creent des liens entre les differents fragments de la ville qui sont associes differemment en fonction des pratiques de chacun. Ils permettent egalement de survoler des quartiers sans les traverser : toute la partie Est de LA, South Central et Watts sont ainsi rejetes hors des pratiques de la ville avec leur misere aussi extreme que l'est la richesse de Beverly Hills.

La forme de la ville, la disposition des rues et des maisons ressemble a celle qu'on trouve dans la plupart des villes americaines : une segregation des usages (habitations, commerces et bureaux), un saupoudrage de maisons juxtaposees le long de rues en damier et des avenues ou se succedent les neons des enseignes et les edifices commerciaux.....Une ville si peu dense qu'elle ne suffit pas reellement a recouvrir le sol souvent vierge sur lequel elle s'implante. Le caractere de la ville depend alors de son site et de la nature qu'elle ne recouvre jamais entierement. A Los Angeles, on ressent la geographie de façon particulierement intense : une plaine desertique encadree par les collines au nord est et par la plage au sud ouest. Chacun des ces paysages est un univers different qui fait de LA, plus que toute autre ville, une ville multiple et caleidoscopique.

Mais l'univers "suburbain" de Los Angeles repose avant tout sur le desir de chacun de se construire son propre univers : sa maison. En tant qu'architectes, nous sommes frappes de constater a quel point la maison individuelle est de loin le principal morceau du patrimoine architectural de LA : l'extraordinaire reunion de soleil, d'argent, de gout pour l'innovation et de reve de liberte que la Californie semble vouloir reunir ont fait le lit d'une fantastique collection de maisons et d'icones de l'architecture moderne. Dans cette ville qui exporte ses paillettes et ses stars dans le monde entier, la majeure partie des joyaux de l'architecture son invisibles, gardes farouchement a l'abris des regards derriere les haies de lauriers et les barrieres. Pourtant nous n'hesitons pas a user les pneus de notre voiture pour apercevoir quelques unes de ces maisons mythiques concues par Wright, Schindler, Neutra, Lautner ou Eames...

Downtown
PassadenaMalibu, Santa Monica et Venice
Beverly Hills et Hollywood
South Central, Watts and south of Los Angeles